[Candidature refusée] Incertitude

[Thelomnius]

Une simple discussion avec un compagnon d’arme en Norfendre l’avait mené ici, devant la Garnison du ruisseau de l’ouest. L’Ost Pourpre avait attaqué la cité des Réprouvés il y a peu. Mais la seule chose qui l’interpela dans cette histoire fût ce nom. Celui de celle qu’il avait cru perdre il y a de cela des années.

L’évocation de son prénom lui avait retourné l’estomac et l’esprit. La chance même infime qu’elle soit en vie le guida jusque devant cette bâtisse. Le doute ne lui laissait aucun repos à ne plus en dormir depuis.

Le paladin avait revêtu sa plus belle armure, brossé ses cheveux soigneusement et laissé une petite barbichette afin de cacher des rides naissantes.

La gorge serrée l’homme avança vers le militaire posté à l’entrée. Un salut et il lança :

- Bonjour, vous pourriez peut-être me renseigner… Il m’a été dit qu’Odeline de Malistra résidait ici…

Il eut du mal à croire que ces mots sortirent de sa bouche. Qu’un jour il les dirait à nouveau.

- Voudriez-vous bien lui faire dire qu’elle est attendue ?

Les informations devaient être erronées… une personne devait surement lui avoir subtilisé sont identité… le doute, l’espoir.

[Lomah de Sangre]

- Elle ne réside pas au Bastion pour l'heure. Elle est... en convalescence.

Ce fut une rousse flamboyante qui répondit à sa question, juste derrière lui. Elle était petite , plutôt jolie et emmitouflée dans une épaisse capeline d'hermine blanche. Dans ses bras gigotait une petite fille d'à peine un an à la peau de lait. Elle gazouillait à qui mieux mieux malgré les couches épaisses de lainages dont son petit corps était affublé. Ses prunelles d'un bleu dérangeant et uniforme venait subitement d'envelopper le jeune homme.

Le regard de sa supposée mère n'avait rien de plus rassurant. D'or étaient ses pupilles et de feu leur intensité.

- Laissez Rainer, je m'en occupe. fit la jeune femme à l'adresse du vieux soldat en poste devant la porte. Puis-je savoir qui vous êtes ?

La voix de l'inconnue était suave, posée, presque rassurante. Mais ses yeux insupportables n'avaient cesse de le scruter.

[Thelomnius]

La jeune femme surprit le paladin. Son regard étrange ainsi que son enfant métisse ne génèrent en aucun cas l'homme tolérant. La lumière lui avait apprit le respect de tous.

Il salua la rouquine et sa petite fille tenue précieusement dans les bras. Le contraste de la peau blanche laiteuse de l'enfant et de ses cheveux roux vifs lui attribuaient un charme indéniable.

Ces yeux braquaient sur lui attendant une réponse. Il ne pu 'attribuer tout de suite... elle était en vie. Après des années de deuil un pareil chamboulement était inattendu et inimaginable. Il devait la voir pour en être sur, la toucher, la sentir.

- Odeline... une femme magnifique, blonde au yeux turquoises renversant et à la douceur que tout homme désir? C'est bien elle? Êtes-vous sur que c'est bien elle?

L'homme sentit son emportement discourtois et ne tarda pas à se reprendre.

- Je suis son époux Thelomnuis de Quelliade... si nous parlons bien de la même Odeline...

Une petite courbette discrète, un visage stoïque. Le paladin avait un carrure imposante, celle d'un homme aillant combattu toute sa vie. Une vie rude au service des autres. Des yeux noisettes et une crinière blonde vénitienne tirant vers le roux.

Il détenait à présent le contrôle sur ses émotions. Aucun écart dans le ton de sa voix, de ses mouvements. La bienséance.

[Lomah de Sangre]

Je hausse un sourcil.
Encore un prétendant...
La réputation d'Odeline n'est plus à faire, cette gourgandine blonde est l'objet des attentions de pratiquement toute la bleusaille de la garnison. Après tout elle a tout du profil de la maman que tout ces braves aimerait retrouver au coin de l'âtre familiale. Mais je sais que leurs rêves les plus moites et les plus inavouables, c'est moi qui les hante.

Je souris en coin tandis que Karin s'agite dans mes bras en entamant un babillage énergique et décousu.

- Odeline de Malistra, la petite prêtresse ? Oui, elle est des notres en effet.

- Je suis son époux Thelomnuis de Quelliade... si nous parlons bien de la même Odeline...

Je maquille habilement mon incrédulité par un rire sarcastique.

- Pardonnez-moi, mais les morts se sont rarement montrés aussi enflammés ! Quelle sorte de macchabée êtes-vous pour vous empourprer de la sorte ?

Mon cerveau marche à toute vitesse. Est-ce un nouveau coup de "Kayalias" ? La chose me parait possible quoi qu'hardie. Odeline ne lui est plus d'aucune utilité et ce serait de la persécution gratuite. Mais Khalys n'est pas vraiment freinée par ce genre de considérations d'habitude. Pour l'heure Odeline est trop faible pour recevoir un nouvel assaut psychologique et sa purge est loin d'être terminée.
Gagner du temps et analyser l'intrus. C'est la seule option possible.

Par ma Flamme ! Qu'elle me cause du soucis cette stupide péronnelle ! A croire que sa blondeur éthérée est à l'image du contenu de son crâne!

J'offre mon sourire le plus chaleureux à ce Thelomnius, celui que je réserve à mes proies pour qu'elles s'enfoncent avec confiance dans ma toile sans s'imaginer vouloir en sortir.

- Je ne sais pas qui vous êtes mais vous avez eu le mérite de m'amuser. Je propose que vous me contiez vos fables autour d'un vin chaud à l'intérieur. Il sera tout temps pour moi de vous jeter à la porte si l'histoire ne m'a pas plue par la suite !

Je ris et m'éloigne vers la porte sans me retourner. Je sais qu'il me suivra.

Ils le font tous.

[Thelomnius]

Thelomnius suivit la maman à travers les couloirs de la garnison tout en lui parlant. Il faut dire qu'elle le faisait passer par tout un tas de détours, ce bâtiment ne paraissait pas aussi grand vu de l'extérieur. L'arrogance de la jeune femme lui passait au dessus, bien trop obnubilé par sa belle blonde.

- Les morts? Mais j'ai tout d'un être humain bien vivant. Pourquoi pensiez-vous que je sois mort?

L'information fit son petit bonhomme de chemin dans l'esprit vif du paladin.

- Cela expliquerait pourquoi je n'ai jamais eut de ses nouvelles, qu'elle n'ait pas cherché à me retrouver!

La boule au creux de son estomac grandit alors que la certitude devenait de plus en plus limpide. Son Odeline, sa douce épouse respirait encore! Il lui tardait de la revoir au plus vite.

- En convalescence vous m'avez dit? Que lui arrive-t-il. Est-ce grave? Je veux la voir! J'ai tant à lui demander.

La crainte de la perdre avant de l'avoir retrouver lui monta à la tête un instant. Et où le menait-elle ainsi?!

Les yeux bleus de l'enfant le fixaient depuis l'épaule de sa mère, avec une intensité peu commune chez les petites de son âge.

[Lomah de Sangre]

Je propose un siège au dit Thelomnius et je prend celui qui lui fait face, déposant délicatement Karin sur mes genoux. J'ai mandé un des pages de nous apporter deux godets de vin chaud.

Durant l'attente qui précède l'arrivée du breuvage, je jauge l'homme. Quelconque. Massif, taillé pour l'armée. Son regard peut intelligent me fait l'effet d'un pauvre chien errant en mal de maitre. Mais ce n'est peut-être qu'une ruse pour abaisser les remparts de ma méfiance.

Une fois le silence devenu pesant, j'ouvre les hostilités la première :

- Et pourquoi vous accorderez-je le droit de la voir ? Après tout vous avez été assez si loin dans votre quête que vous ne vous êtes pas rendu compte qu'elle était retournée auprès de sa mère en officiant en tant que prêtresse dans la ville dont vous aviez la garde. C'est là la preuve de votre amour, de vos recherches désespérées pour retrouver votre épouse ?

Mes lèvres s'ourlent d'un sourire moqueur.

- Pardonnez-moi, mais je crains qu'au vue des circonstances, elle n'ai aucune envie de vous voir... N'importe quelle femme se serait offusquée de moins.

[Thelomnius]

Le paladin s’installa rapidement dans le siège qu’on lui proposait… « Du vin chaud ? Mais qu’est-ce que j’en ai à carré de son vin chaud ! » Avec la certitude que sa femme vivait toujours, il ne voulait plus qu’une chose, la revoir. L’attente commençait à consumer la patience du militaire.

- Et pourquoi vous accorderez-je le droit de la voir ? Après tout vous avez été assez si loin dans votre quête que vous ne vous êtes pas rendu compte qu'elle était retournée auprès de sa mère en officiant en tant que prêtresse dans la ville dont vous aviez la garde. C'est là la preuve de votre amour, de vos recherches désespérées pour retrouver votre épouse ?

Il contracta la mâchoire, serra les poings de toutes ses forces, la vapeur montait, montait… La mage affligea le coup de grâce, d’un rire provocateur et grotesque.

- Pardonnez-moi, mais je crains qu'au vue des circonstances, elle n'ait aucune envie de vous voir... N'importe quelle femme se serait offusquée de moins.

Alors qu’il bouillonnait, prêt à exploser, offensé par tant d’ignorance, son regard se posa sur l’enfant qui bavé dans le décolleté de son hypothétique mère. Il ne pouvait répondre à la rousse comme il le souhaiterait et manquer de respect à une mère devant son enfant. Bien trop encrassé dans ses principes il abdiqua, baissa la tête pour canaliser sa colère.

Les poings lâchèrent les accoudoirs du siège, le ton se fit plus agréable qu’il ne l’aurait espéré, teintée d’une pointe de sarcasme.

- C’est trop aimable de votre part de vous inquiéter pour Odeline.

Il analysa la situation. Mère d’un enfant en bas âge, sans alliance.

- Vous avez l’air de savoir ce qu’une femme offusquée par son conjoint ressent. Malheureusement votre volonté à défendre ma femme ainsi se trouve vaine. Je n’aurais jamais abandonné Odeline… la ville dont j’ai la garde ? Sachez que depuis la perte de Lordaeron je n’ai cessé de voyager là où l’ont avait besoin de moi.

Sa gorge était sèche et serrée. Le vin chaud arriva enfin, il saisit la coupe en métal d’une main peu détendu et en prit une gorgée.

- Et qui êtes vous pour me juger ainsi ? Vous n’êtes pas pressée de vous présenter pour quelqu’un qui semble tout savoir... ou vouloir tout savoir.

[Lomah de Sangre]

Je hausse un sourcil.
Voilà une contradiction qui n'était pas des moindres.

- Pardonnez-moi, mon cher, mais je ne comprends pas... Vous êtes Paladin, ce me semble. Et vous dites que l'Alliance vous a envoyé en mission à travers Azéroth tout ce temps... Pourtant, que je sache le Corps des Paladins dépendent de la Grande Cathédrale d'Hurlevent où officie la mère d'Odeline. Et vous n'avez jamais pensé à venir lui rendre hommage ? J'imagine mal Aicelina ne pas remarquer votre retour au sein de la Communauté de la Lumière...

Je sirote un peu de mon vin et laisse à Karin un morceau de fruit gorgé de cannelle avec lequel jouer.

- Par ailleurs, les Lordaeroniens rescapés de notre bonne vieille terre nous sont en général signalés par les Intendants du Roi Varian. Notre Connétable tient beaucoup à garder contact avec nos réfugiés. Hors... votre nom ne m'est jamais apparu ! C'est curieux n'est-ce pas ?

Karin ponctue ma phrase avec un gloussement adorable, la pulpe de son morceau de pomme mouillé éclatant entre ses doigts

- Je ne doute pas de vos sentiments, mon brave. Mais je trouve néanmoins que vos explications sont aussi fumeuses que les vapeurs de ce breuvage.

Je porte la coupe à mes lèvres en souriant.
Il est fait comme un rat.

[Thelomnius]

Les accusations pleuvaient et le paladin les encaissait du mieux qu’il le pouvait. Il se concentrait pour ne pas tout envoyer valdinguer et hurler le prénom de son épouse dans les couloirs jusqu’à ce que quelqu’un de plus apte à l’aider l’entende.

Une seule solution la capitulation ! Il lui livra ce qu’elle désirait pour en finir, même s’il ne savait toujours pas à qui il s’adressait.

- Mademoiselle, il va vraiment falloir que je vous raconte ma triste existence pour que vous m’autorisiez à voir ma propre femme ? Où est-ce que je suis tombé ?! Vous me prenez pour une bleusaille ? Je savais très bien où se trouvait ma femme, elle n’était pas partie depuis tous ce temps sans m’avoir prévenu. Nous avions pris la décision qu’elle aille à Hurlevent continuer sa formation de prêtresse ensemble.

Il se rassit plus droit dans son siège, reposa la coupe de vin chaud.

- Je suis un ancien chevalier de la Main d’Argent… vous n’êtes pas sans savoir que l’ordre s’est dissout lors de notre défaite contre le fléau et la perte de nos terres. La mort d’Uther n’arrangea pas les choses.

Cette partie de sa vie il préférait la taire, l’enfouir et tenter de vivre avec.

- Après notre défaite je suis retourné chercher ma fille et mes parents que j’avais mis à l’abri…

Ses yeux s’humidifièrent alors que sa voix restait limpide, aucunes larmes ne coulèrent.

- Pas assez apparemment, le fléau m’avait devancé depuis plusieurs jours. Il ne restait plus rien. J’ai mené des recherches pendant plusieurs mois, jusqu’à ce qu’une année passe. Je ne voulais pas retourner auprès d’Odeline et lui dire que j’avais été incapable de garder notre Adanessa en vie !

Un léger tremblement dans la voix lui échappa puis le contrôle lui revint. Il fixa la petite rousse maintenant presque assoupie contre sa mère.

- Quand je me suis résigné à l’affronter c’est Aicelina qui m’a reçut. Elle m’a rendu toutes les lettres que j’avais envoyé et m’annonça qu’Odeline s’était donnée la mort en apprenant la notre. Des missives m’avaient précédées. J’ai été absent trop longtemps et ils m’ont déclaré mort…

Il redirigea son regard vers la jeune mère aux yeux vraiment étranges.

- Depuis je n’ai jamais cherché à nier ma disparition, j’avais perdu ma femme et ma fille, je n’avais plus de raison d’exister. Je dirais que ma foie en la lumière a quelque peu diminué et je ne veux plus la pratiquer aussi ardemment que l’exige les ordres, voilà pourquoi je me suis détaché d’eux. Je vais où mes frères et sœurs de l’alliance ont besoin de moi, là où je peux être utile. Où je peux contribuer à l’extinction du Fléau !

Il laissa quelques secondes passer et prit une longue inspiration.

- Voilà maintenant que vous vous êtes régalée, laissez-moi voir ma femme !

Le paladin se leva lentement, il avait assez bavardé et exigeait des résultats.

[Lomah de Sangre]

Mon visage ne cille pas durant sa longue confession. De la cire je suis et je reste. A la fin seulement j'ouvre la bouche :

- Voilà un récit qui tirerait des larmes à n'importe qui.

Mais je ne suis pas n'importe qui, me suis-je retenu de dire.

- Malheureusement vous n'avez aucune preuve pour l'étayer et votre histoire est gorgée d'incohérence et de zones d'ombres. Comprenez moi "Thelomnius". Vous êtes un étranger, censé être mort et vous réapparaissez d'un seul coup, la tête enfarinée et pétrie d'impérieuses exigences. Pensez-vous que je serais un officier compétent si je vous laissez naïvement pénétrer au sein de ma Garnison pour ébranler la personnalité déjà fragile et malléable d'Odeline avec vos assertions, sans prendre la précaution de vérifier vos dires ?

Je secoue la tête d'un air peiné. Je suis une actrice formidable, et ma commisération parait si vrai qu'il semble se détendre quelque peu.

- Je ne doute pas de votre bonne foi, et la vie peut parfois vous jouer de vilains tours. Mais tant que je ne saurais pas avec exactitude qui vous êtes, je ne vous permettrais pas de fouler le sol de ce Bastion.

D'un geste détendu je claque des doigts. Karin dort et je ne souhaite la réveiller. Deux soldats accourent dans un concert de cliquetis d'armures.

- Gardes, veuillez raccompagner messire diligemment à nos portes je vous prie et ne le laissez plus passer notre herse sous aucun prétexte tant que je ne vous l'aurais pas ordonné.

Poliment mes fermement mes petits chevaliers emportent Thelomnius vers la sortie tandis que je laisse flotter à ses oreilles une ultime vérité :

- Si vous aimez véritablement Odeline, vous vous plierez à cette règle pour la protéger.